Le référent handicap en collectivité, l'acteur clé de l'inclusion
Le référent handicap est un acteur clé des politiques RH territoriales, garantissant conformité et inclusion. À l'occasion des 20 ans de la loi Handicap, le CIG Grande Couronne met en lumière ce rôle essentiel pour l'employabilité des agents. Nathalie Boudet, référente handicap à la Communauté Urbaine GPSEO, partage son expertise : stratégies pour intégrer le handicap, optimiser le maintien dans l'emploi et bâtir une collectivité inclusive.
Contexte et motivation
Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours et de ce qui vous a motivée à devenir référent handicap ?
Nathalie Boudet : Après une carrière en tant que responsable RH en collectivités territoriales, je me suis orientée vers les fonctions de chargée de mission santé au travail. Il était évident pour moi de devenir référente handicap conformément à l'article 92 de la loi de transformation de la FP du 6 août 2019 car c’est une passerelle logique avec le maintien dans l’emploi de l’agent public.
Qu'est-ce qui vous passionne le plus dans votre rôle en tant que référent handicap ?
N.B. : Ce qui me passionne le plus, c'est de rendre service aux personnes qui en ont besoin. Chaque individu et chaque situation sont uniques et le handicap ne peut être compris qu'en situation. J'apprécie également la pluridisciplinarité et l'approche transversale, qui impliquent la mobilisation de nombreux acteurs tels que les managers, les collègues et les partenaires extérieurs.
Rôle et responsabilités
Quelles sont vos principales responsabilités en tant que référent handicap au sein de la collectivité ?
N.B. : En tant que référente handicap, je suis en charge de l’accompagnement des bénéficiaires de l'obligation d'emploi (BOE) en recherchant des solutions de compensation et en aidant les agents à faire leur demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Je suis également chargée du recensement des situations et de la réponse à la déclaration obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés (DOETH). Enfin, je constitue des dossiers d'aides auprès du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). La communication, l'information et la sensibilisation sont des aspects primordiaux de cette fonction pour instaurer un climat de confiance dans la collectivité.
Comment articulez-vous votre travail avec les autres services de la collectivité territoriale ?
N.B. : Mon travail est réalisé en étroite collaboration avec le chargé de prévention et les assistants de prévention. J'entretiens également une très bonne interface avec les différents services RH, carrières, paie et emploi compétences, avec des réunions mensuelles. Je pilote un Comité de maintien dans l'emploi avec les services RH concernés, le médecin du travail du CIG, l'assistante sociale du CIG, et la chargée de maintien dans l'emploi du CAP EMPLOI 78. C’est une instance importante pour créer du dialogue autour du handicap et de la santé au travail entre professionnels. Toutes les situations sont traitées dans le respect et la confidentialité. Nous essayons de trouver ensemble des solutions pour permettre aux agents ayant des problèmes de santé et/ou de handicap de poursuivre leur carrière dans les meilleures conditions. Enfin, je travaille en transversalité avec l’ensemble des services et avec l'appui de l'encadrement de proximité sans qui nous ne pouvons rien faire.
Défis et solutions
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans votre mission pour améliorer l'accessibilité et l'inclusion ?
N.B. : Les principaux défis que nous rencontrons sont souvent liés aux préjugés, aux représentations et aux stéréotypes qu’ont les individus. Le handicap et la différence peuvent susciter des appréhensions qu'il faut savoir dépasser. La peur du jugement, de la stigmatisation et parfois la honte sont des freins à nos missions. Il est essentiel de promouvoir une culture de non-discrimination et de sensibiliser les collectifs à ces enjeux.
Pouvez-vous partager un exemple de solution innovante que vous avez mise en place pour surmonter un de ces défis ?
N.B. : Depuis 6 ans, la Communauté urbaine organise le « Duoday » à l’occasion de la Semaine
européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap. Cette année, nous avons expérimenté le « Duoday inversé » en étant accueillies dans un ESAT du territoire, pour changer le regard que nous portons sur le handicap. Des visites d’entreprises adaptées ou d’ESAT avec lesquels nous travaillons (blanchisserie, imprimerie, espaces verts, ...) ont déjà été réalisées et poursuivent le même objectif.
Collaboration et communication
Comment travaillez-vous avec d'autres acteurs, tels que les associations, pour promouvoir l'inclusion des personnes en situation de handicap ?
N.B. : Nous collaborons avec des organismes spécialisés pour organiser des sensibilisations, notamment des webinaires pendant les semaines thématiques. Nous avons également pris contact avec des structures spécialisées dans l’accompagnement socio-professionnel des personnes en situation de handicap, comme l’ESPO 78, pour mettre en place des stages ou encore CAP EMPLOI 78 avec lequel nous menons des prestations d’appui spécifique ou le dispositif d’emploi accompagné.
Quelle est l'importance de la sensibilisation et de la formation des équipes à la question du handicap ? Comment cela se concrétise-t-il ?
N.B. : La sensibilisation et la formation des équipes sont cruciales. Nous organisons une formation annuelle en interne à destination des managers sur la manière de manager une personne ayant des problèmes de santé et/ou en situation de handicap. De plus, nous mettons à disposition le jeu HANDIPOURSUITE, un jeu de société créé par l’AGEFIPH pour tester les connaissances sur le handicap et l’emploi. La Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap est évidemment un temps fort de l’année.
Projets et initiatives
Pourriez-vous nous parler de quelques projets ou initiatives spécifiques que vous avez lancés ou auxquels vous avez participés récemment ?
N.B. : Bien sûr. Récemment, nous avons participé au Forum INCLUS’JOB le 20 novembre 2024 à Poissy, un événement majeur visant à promouvoir l'inclusion dans le milieu professionnel. Le « Duoday » a permis cette année de constituer 14 duos suivis de stage pour certains. Je suis heureuse aussi de
contribuer aux actions engagées autour de l’inclusion et de l’accessibilité par les directions Action culturelle et Sports. J’ai pu participer à la journée des agents de la direction des
sports où j’ai animé un atelier ludique et interactif sur les différents types de handicap. Avec le concours de la référente handicap du conservatoire Quincy Jones, des formations ont été mises en oeuvre pour développer l’inclusion dans les enseignements artistiques.
Comment évaluez-vous l'impact de ces projets sur les bénéficiaires ?
N.B. : Je constate qu’en bientôt dix ans, la perception du handicap au travail a changé. Les agents osent en parler, il y a plus de facilité, de bienveillance car ils comprennent que la DRH essaye de mettre en oeuvre des actions pour les maintenir à l’emploi. Ce qui est très important c’est aussi la motivation des individus à transformer leur situation. Je les aide à cela mais ils font une grande
partie du chemin.
Politiques et réglementations
Comment la législation actuelle influence-t-elle votre travail au quotidien ?
N.B. : Je prendrai deux exemples de ce que la réglementation permet. Les contrats à durée déterminée prévus par l’article L.325- 4 du code général de la fonction publique (recrutement sans concours à la suite de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) permettent de sécuriser le parcours de certains agents en situation de handicap.
Nous en avons réalisé trois à la Communauté urbaine. Autre exemple que nous sommes amenés à développer : la période de préparation au reclassement (PPR). Dans le réseau des DRH du territoire de GPS&O, il existe une vraie volonté de développer des PPR croisées entre collectivités. Plusieurs communes sont très actives sur ce projet qui permet à des personnes en situation de handicap ou en tous cas qui nécessitent un reclassement de pouvoir découvrir un autre environnement et d’autres métiers que dans leur commune d’origine.
Perspectives et améliorations
Quels sont vos objectifs à long terme en tant que référent handicap dans votre collectivité ?
N.B. : Pour mieux réaliser mes missions, j’ai besoin de maitriser davantage la réalité des postes de travail pour savoir en parler et effectuer l’analyse des contraintes (ambiance sonore, thermique, déplacements...). Le référent handicap doit être sur le terrain pour connaître la réalité des tâches et du cadre de travail. Je pense aussi que le référent handicap va devoir intégrer davantage la
santé mentale comme un enjeu fort car c’est un sujet de santé publique de plus en plus présent qui n’est pas facile à appréhender aujourd’hui dans le milieu professionnel.
Retour d'expérience
Pouvez-vous partager une expérience particulièrement marquante ou un succès dont vous êtes fière dans votre rôle ?
N.B. : La réussite intervient quand l’agent a pu rebondir dans son cadre professionnel, sur un autre emploi ou même en évoluant professionnellement. J’ai eu la chance d’accompagner de très belles reconversions au sein de GPS&O. La compétence et la motivation priment alors : on en oublie même qu’il y avait une question de handicap.
Si vous pouviez donner un conseil à quelqu'un qui débute dans le rôle de
référent handicap, quel serait-il ?
N.B. : Je dirais qu’il est primordial de considérer chaque individu avec ce qu’il a de singulier, dans son parcours de vie, dans son histoire que nous ne connaissons pas forcément.
Il faut chercher à créer un climat de confiance, avec écoute et bienveillance. Cela passe aussi par le relationnel avec l’encadrement de proximité car il faut respecter les contraintes et les réalités de terrain du manager. Le rôle du référent handicap est aussi d’aider le management.