« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent » : le groupe de résistance 223 de Louveciennes

Actualité | Publié le 09/04/2025

En mai 1944, des contacts s’établissent entre M. Davy et M. Langlois, des résistants de Louveciennes, et des gendarmes de Bougival. Ces échanges aboutissent à la création du groupe de résistance 223.

  • Le groupe de résistance 223 rassemble plusieurs individus dont l’identité est masquée par l’emploi d’un pseudonyme :

  • Nom Prénom N° de brassard Pseudonyme
    ALBENQUE Jean 1030 LE BLANC
    ABDON Alexandre 1032 LECHOUDE
    AGUERREBERRY Marcel 1033 LEGROS
    ALLONCLE François 1037 PRUDENT
    BERTHON Maurice 1044 GENEVIEVE
    BISSONNET René 1038 FARFOUILLE
    DEMARQUET André 1039 L'ETANG
    JACQUEMIN Jules 1040 LE PARC
    JACQUEMIN Julien 1041 LE CHÂTEAU
    MEYLAN Albert 1043 PINASSE 223
    RUET Jules 1036 LARUEL
  • Une première réunion secrète se tient début juin 1944 chez M. Langlois, au « Clos/Val Murget ». Celle-ci répartit les rôles de chacun des participants et jette les bases du fonctionnement du groupe. François Alloncle (natif de Louveciennes) accepte d’en prendre la direction et devient le chef local de la Résistance (il s’occupe plus spécialement des questions d’administration). Il est secondé par Alexandre Budan, commerçant local dont le fils a été arrêté par la Gestapo. Lavie, militaire de carrière en congé d’armistice, prend, quant à lui, la direction de la lutte directe contre l’ennemi (il encadre les Corps Francs et les prépare au combat). Louis Monichon, secrétaire de la mairie de Louveciennes, aide le groupe dans son organisation. Le 3 juillet 1944, une nouvelle réunion acte le plan d’action du Comité Local de Libération, formé du Groupement administratif de la Résistance, qui devra prendre la direction des affaires communales dès le déclenchement des opérations insurrectionnelles.

    Le 6 juillet, le groupe jette les prémices de son programme qui s’articule autour de trois axes : assurer la gestion de la commune, rechercher les principaux collaborateurs et procéder aux arrestations et aux épurations nécessaires, s’emparer d’armes utiles à son action offensive ou défensive.

    • Effectifs des Corps Francs, sans date, Archives communales de Louveciennes, 1H34

    • Effectifs du groupe local, sans date, Archives communales de Louveciennes, 1H34

    • Peu de temps avant l’arrivée des alliés, dans la nuit du 20 août, un groupe des Corps Francs s’introduit dans une propriété pour y voler des armes (grenades et fusils). Ils sont arrêtés puis interrogés par les Allemands mais sont finalement libérés et conservent leur butin. Dans les jours suivants, la débâcle allemande s’accélère : des prisonniers russes et polonais, qui étaient parvenus à s’évader avec l’aide du groupe, viennent renforcer les effectifs des Corps Francs. Le 25 août 1944 à 18h, le groupement prend la mairie et met en place son organisation administrative. La présidence du Comité de Gestion Communale est offerte à l’ancien maquisard Jean-Paul Palewski, capitaine inscrit aux FFI du 7e arrondissement de Paris (matricule 2707), qui deviendra Maire de la commune. Une proclamation à la population est publiée et affichée le 26 août à l’issue de la première réunion du Comité de Gestion.

    • Le groupe de résistance 223 participe aussi aux actions d’épuration en dressant des listes de personnes suspectées de collaboration. Une grande action est menée le 25 août 1944 au Clos Mamy (chemin de l’Ariel), censé abriter des soldats Allemands et être devenu un centre d’espionnage. Plusieurs personnes sont arrêtées : deux officiers allemands et trois femmes (la locataire, sa mère et sa domestique). L’un des Allemands ne voulant pas se rendre, des coups de feu sont échangés. Les suspects sont remis au 2e Bureau des Forces françaises de l’intérieur, à l’Hôtel de la Monnaie de Paris. Les trois femmes, quant à elles, seront relâchées en novembre 1944. Par la suite, une perquisition de la villa est commanditée, permettant de mettre au jour des documents compromettants venant confirmer les soupçons d’espionnage. Tous les objets se trouvant dans la villa sont mis sous séquestre à la mairie de Louveciennes et ne seront rendus ou vendus qu’en novembre 1944.

    • Le groupe 223 se dissout suite à la libération de la ville. Néanmoins, il continue de mener des actions de répression envers les collaborateurs, comme de nombreux résistants sur le territoire national. En atteste une lettre en date du 22 septembre 1944 transmise par le commandant du département de Seine-et-Oise au commandant les FFI de Seine-et-Oise et au directeur régional de la police qui souligne l’importance de revenir aux règles normales. Il est demandé aux FFI de s’abstenir d’opérer des arrestations et de remettre à la police toutes les personnes qu’elles pourraient détenir. Par la suite, quelques dissensions semblent apparaître entre les anciens membres du mouvement 223, comme l’illustre la réclamation de Maurice Berthon (pseudonyme Geneviève), adressée au Maire de Louveciennes le 25 septembre 1944 : « Après l’action libératrice, je remis ma carte pour la faire timbrer à Rueil, mais depuis je l’ai en vain demandée. J’aurais pu la vouloir pour conserver ce souvenir d’heures nationales, mais elle me fit surtout défaut lorsque je voulus m’engager […]. L’injure m’est d’autant plus cruelle que je pensais mériter cette carte, je pense encore n’avoir de leçons de patriotisme à recevoir de personne parmi les FFI de Louveciennes, si ce n’est de vous, mon Capitaine […]. Au point de vue services militaires, je ne tolérerai pas d’être pris à partie par cette majorité FFI qui, malgré leur jeune âge, ont fait la guerre en usine, gagnant leur vie à l’abri pendant que mes jours de combat m’étaient payés 10 frs […]. […] ces embusqués ont continué, après l’armistice, à travailler en usine, n’ayant pas le courage d’éviter de contribuer à la résistance allemande en travaillant contre les Alliés. Aujourd’hui ils font, aux combattants des deux guerres et aux prisonniers rapatriés, l’affront de se poser en patriotes et en justiciers ! » La carte mentionnée ne fut jamais rendue à l’ancien résistant ; elle fait aujourd’hui partie du fonds d’archives militaires de la commune.

      • Carte de membre actif de Maurice Berthon dit « Geneviève » (recto), sans date, Archives communales de Louveciennes, 1H34

      • Carte de membre actif de Maurice Berthon dit « Geneviève » (verso), sans date, Archives communales de Louveciennes, 1H34